Agriculture et mycorhizes

DES RÉSEAUX DE CHAMPIGNONS AUX SERVICES DES CULTURES

Pour rappel, les mycorhizes à arbuscules sont des symbioses mutualistes à bénéfice réciproque entre les racines de 80% des plantes et certains champignons présents dans les sols. La plante apporte au champignon les produits issus de la photosynthèse (sucres) et reçoit en retour de l’eau et des éléments minéraux comme le phosphore, l’azote, le soufre ou les oligo-éléments. La symbiose mycorhizienne à arbuscules est considérée comme une composante majeure dans les relations que la plante entretient avec son milieu.

Bénéfices potentiels pour la plante et pour le sol

La mise en place et le maintien de la symbiose a un coût pour la plante puisque près de 20% des produits issus de la photosynthèse peuvent être alloués au champignon pour sa respiration ou le développement du mycélium.

Les hyphes qui émanent des racines (mycélium extra-radical) ont un diamètre plus petit que celui des racines, et explorent un volume de sol beaucoup plus important (au moins 40 fois) que celui des racines. En effet, les hyphes explorent des zones du sol non accessibles aux racines. En agissant comme des prolongements de racines, ces champignons jouent donc un rôle essentiel dans l’efficacité de l’utilisation des ressources minérales et de l’eau par la plante.

La présence de champignons mycorhiziens dans les sols présente donc un grand intérêt du point de vue de l’utilisation des ressources naturelles, et particulièrement du phosphore : suite à des décennies de forte fertilisation phosphorée, les sols sont très riches en cet élément, qui est passé sous une forme inutilisable par les plantes. Les champignons mycorhiziens ont la capacité de le faire passer sous sa forme assimilable, ce qui permet une économie de fertilisation phosphorée et une valorisation du phosphore déjà présent dans les sols.

Les mycorhizes améliorent aussi la tolérance aux agents pathogènes qu’ils soient racinaires (ex. nématodes, fusariose et rhizoctonia) ou aériens. Les défenses naturelles des plantes sont stimulées par la symbiose mycorhizienne, permettant ainsi une réaction plus rapide face aux agressions.

La résistance aux stress environnementaux (ex. sécheresse et salinité) est aussi améliorée par la présence des mycorhizes. Certains champignons mycorhiziens à arbuscules améliorent aussi la tolérance des plantes aux métaux lourds dans les sols contaminés (ex : Cadmium).

De plus les champignons mycorhiziens à arbuscules stabilisent la structure des sols par la production de glomaline, une glycoprotéine qui agit comme une « colle » sur les particules du sol et qui limite l’érosion.

La faible spécificité (environ 250 espèces qui interagissent avec environ 200 000 plantes terrestres) des champignons mycorhiziens à arbuscules vis-à-vis de leurs hôtes permet la formation de réseaux mycéliens communs entre des plantes qui n’appartiennent pas à la même espèce. Le partage du réseau mycélien entre les plantes peut mener à une meilleure productivité.

Pratiques favorisant les mycorhizes

Il existe aujourd’hui peu de souches commerciales de champignons mycorhiziens à arbuscules avec une Autorisation de Mise sur le Marché en France. Ainsi, afin de favoriser les souches de champignons mycorhiziens à arbuscules présentes naturellement dans les sols agricoles et qui peuvent rendre des services écosystémiques, une alternative serait d’adapter ou de modifier les itinéraires techniques :

Semer des couverts végétaux en interculture contenant des légumineuses ; elles sont capables de former une symbiose à la fois avec des champignons mycorhiziens à arbuscules et avec des bactéries du sol qui fixent l’azote atmosphérique dans des nodules. La présence d’un couvert permettra aux champignons mycorhiziens de subsister et de se développer, contrairement à un sol nu.

Pratiquer les techniques culturales sans labour profond ou répété : le labour déstructure le sol et détruit les réseaux mycéliens formés par les champignons mycorhiziens à arbuscules.

Limiter les apports d’engrais chimiques de synthèse et favoriser les apports d’engrais organiques.

Diminuer l’utilisation des pesticides, en particulier des fongicides systémiques. La mycorhization, une fois installée, améliore la tolérance des plantes aux maladies alors que l’application de fongicides systémiques détruirait les champignons. L’utilisation de semences enrobées diminue aussi le taux de mycorhization des plantes qui en sont issues.

Utiliser des espèces compatibles à la formation de mycorhizes

Pour favoriser la présence de mycorhizes à arbuscules, il est préférable de privilégier dans la rotation les espèces mycorhizotrophes. La plupart des espèces cultivées présente une capacité d’association symbiotique avec des champignons mycorhiziens, mais le potentiel de mycorhization est en général plus élevé pour les légumineuses que pour les céréales. Il est nul pour les chénopodiacées (betteraves) et les crucifères/brassicacées (colza, moutarde…).

Cultures concernées : toutes les cultures sauf brassicacées et chénopodiacées :

Ail, Avoine diploïde, Avoine d’hiver, Avoine de printemps, Blé dur d’hiver, Blé dur de printemps, Blé tendre d’hiver, Blé tendre de printemps, Carotte, Chanvre, Engrain / Petit épeautre, Epeautre, Fénugrec, Féverole d’hiver, Féverole de printemps, Gesse, Haricot, Haricot vert, Laitue, Lentille, Lin fibre d’hiver, Lin fibre de printemps, Lin graine d’hiver, Lin graine de printemps, Lupin blanc doux d’hiver, Lupin blanc de printemps, Lupin bleu de printemps, Luzerne, Maïs doux, Maïs ensilage, Maïs grain, Mélilot blanc ou jaune, Melon, Millet, Miscanthus, Moha, Niger, Oignon, Orge d’hiver, Orge de printemps, Pavot, Phacélie, Petit pois, Poireau, Pois chiche, Pois d’hiver, Pois de printemps, Pomme de terre, Radis, Ray-grass anglais, Ray-grass d’Italie, Riz, Sainfoin, Sarrasin, Seigle d’hiver, Soja, Sorgho ensilage, Sorgho grain, Tabac, Tomate industrielle, Tournesol, Trèfle blanc, Trèfle d’Alexandrie, Trèfle de Michelli, Trèfle de Perse, Trèfle incarnat, Trèfle violet, Triticale de printemps, Triticale d’hiver, Vesce commune,….

En grande culture, la sélection variétale s’est concentrée jusqu’à maintenant sur la capacité des cultures à se développer en présence de hauts niveaux d’intrants sans que la dimension symbiotique ne soit prise en compte. Ainsi, les variétés modernes ont généralement un pouvoir d’association avec les champignons mycorhiziens à arbuscules plus faible que les variétés anciennes.